Communiqué de presse – Paris, 05/01/2023
Victoire des associations de lutte contre la transphobie ! Le 12 décembre 2022, la Caisse nationale de l’assurance maladie a officiellement demandé à ses agents de ne plus exiger de certificat psychiatrique dans le cadre des parcours de transition des personnes transgenres. Cette annonce fait suite à une plainte pénale déposée le 29 novembre 2022 par Mousse, Stop Homophobie et Adheos, qui reprochait précisément à l’Assurance maladie de discriminer les personnes transgenres en exigeant illégalement la production de « certificats psychiatriques ».
Le certificat psychiatrique ne sera plus demandé par les CPAM
Lundi 12 décembre 2022, dans un message destiné à toutes les CPAM, le médecin-conseil national de l’Assurance maladie, le Dr Dominique Martin, à annoncé : « Nous vous informons que dans le cadre de la gestion des demandes d’ALD (affection longue durée) hors liste pour prise en charge d’un accompagnement médical transgenre chez l’adulte, il n’y a pas lieu de réclamer la production d’un certificat psychiatrique. Nous vous remercions de veiller à ce que cette consigne soit strictement appliquée par les personnes de vos services traitant ces demandes d’ALD ».
Évolution historique des droits des personnes transgenres
L’identité de genre correspond à l’expérience intime et personnelle de son genre vécue par chacun et chacune, indépendamment de ses caractéristiques biologiques. Les personnes transgenres sont des personnes dont le genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance. Les personnes cisgenres sont, au contraire, des personnes dont le genre correspond au sexe qui leur a été assigné à la naissance.
Avant 1992, la France refusait aux personnes transgenres toute modification de la mention de sexe à l’état civil. Cette position, qui revenait à nier l’existence des personnes transgenres, a fait l’objet d’une première condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. Selon les juges européens, le refus de modifier l’état civil plaçait les personnes transgenres « dans une situation globale incompatible avec le respect dû à la vie privée ».
En 1992, l’État français a revu sa position en permettant aux personnes transgenres de modifier la mention de sexe à l’état civil. Les conditions posées par la jurisprudence consistaient alors à prouver « la réalité du syndrome transsexuel » et « le caractère irréversible de la transformation de l’apparence ». Cette seconde condition contraignait dans les faits les personnes transgenres à suivre des traitements médicaux stérilisants. Cette stérilisation forcée des personnes transgenres a fait l’objet d’une seconde condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de la vie privée. La France a donc dû à nouveau s’adapter. Désormais, les personnes transgenres n’ont plus à réaliser une stérilisation afin d’obtenir le changement de la mention de sexe à l’état civil.
En 2010, le ministère de la Santé a retiré « les troubles précoces de l’identité de genre » de la liste des affectations psychiatriques de longue durée. La transidentité a été reclassée dans la catégorie des affections de longue durée dites « hors liste » tout en garantissant une prise en charge totale des actes de réassignation sexuelle par les organismes de Sécurité Sociale.
Prise en charge des actes de réassignation sexuelle par l’assurance-maladie
La chirurgie de réassignation sexuelle consiste en un ensemble d’opérations chirurgicales permettant de modifier les caractéristiques sexuelles initiales afin d’obtenir l’apparence du sexe opposé. Cette chirurgie revêt une importance fondamentale pour les personnes transgenres en ce qu’elle leur permet de vivre en adéquation avec leur corps.
Désormais, la chirurgie de réassignation sexuelle est totalement prise en charge par l’assurance-maladie. En particulier, la mastoplastie d’augmentation, indiquée dans les reconstructions ou les augmentations mammaires, est prise en charge selon la classification commune des actes médicaux prévue à l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale rédigé comme suit :
« La prise en charge ou le remboursement par l’assurance maladie de tout acte ou prestation réalisée par un professionnel de santé, (…) est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L’inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d’indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l’état du patient ainsi qu’à des conditions particulières de prescription, d’utilisation ou de réalisation de l’acte ou de la prestation (…) ».
La liste des actes pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie, publiée sur le site internet de la CPAM mentionne que la chirurgie de « mastoplastie bilatérale », classifiée QEMA004, fait partie des actes médicaux pris en charge par l’assurance-maladie.
Dès lors, selon une jurisprudence de 2004 réaffirmée par la Cour de cassation, seules deux conditions doivent être réunies pour que la prise en charge de la personne transgenre soit assurée, à savoir : « que soit reconnu le caractère thérapeutique des actes réalisés, d’une part, et que les actes pratiqués figurent sur la nomenclature générale des actes professionnels, d’autre part » (Civ. 2, 27 janvier 2004, n° 02-30.613).
Protocole de la Haute autorité de santé
Malgré une prise de position claire par la Cour de cassation en faveur du remboursement des actes de réassignation sexuelle, un protocole de la Haute autorité de santé, élaboré en 1989 et repris dans un rapport en 2009, conditionne encore à ce jour la chirurgie de réassignation sexuelle aux conditions suivantes :
- Le suivi de la personne concernée, pendant au moins deux ans, par une équipe spécialisée composée d’un psychiatre, d’un endocrinologue et si possible d’un chirurgien,
- La rédaction d’un certificat co-signé par ces spécialistes mentionnant le diagnostic, leur accord sans réserve pour les actes chirurgicaux et les motifs médicaux justifiant la réalisation de ces actes.
Comme l’a souligné elle-même la Haute Autorité de santé dans son rapport de 2009 : « ce protocole ne repose sur aucune base légale ». Il constitue une simple recommandation dépourvue de force contraignante, ce qui est régulièrement rappelé par les juridictions.
Toutefois, les personnes transgenres subissent actuellement deux types de discriminations en lien avec ce protocole :
- D’une part, de nombreux médecins refusent de réaliser des actes de réassignation sexuelle si les personnes transgenres n’ont pas respecté le protocole de la Haute Autorité de santé ;
- D’autre part, plusieurs CPAM refusent de prendre en charge le remboursement des actes de réassignation sexuelle si les personnes transgenres n’ont pas respecté le protocole de la Haute Autorité de santé (et notamment l’exigence de suivi psychiatrique), quand bien même ces actes ont été prescrits par un médecin et figurent sur la nomenclature de la Sécurité Sociale.
Malgré tout, la procédure continue !
Pour Me Etienne Deshoulières, avocat des associations, « l’Assurance maladie a attendu plus de 18 ans pour demander à ses services d’appliquer la jurisprudence de la Cour de cassation. Pendant ces 18 ans, les personnes transgenres ont été discriminée dans leur parcours de transition. Ce sont ces discriminations transphobes que les associations LGBT m’ont chargée de faire sanctionner en poursuivant un médecin-conseil national devant le Tribunal correctionnel de Paris. »
Contact presse :
Étienne Deshoulières – Avocat au barreau de Paris
Tél. : 0177628203 – www.deshoulieres-avocats.com