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Jean-Marie Le Pen sera jugé le 7 février à 13h30 à Paris pour ses propos homophobes

Communiqué de presse – Paris, 05.02.2018

L’ex-président du Front national, Jean-Marie Le Pen, comparaîtra le mercredi 7 février 2018 à 13h30, pour injure et incitation à la haine à raison de l’orientation sexuelle, devant la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, dans le Palais de justice sur l’Île de la Cité.

Le 18 mars 2016, alors qu’il était interrogé sur les affaires de pédophilie dans l’Eglise catholique, Jean-Marie Le Pen a affirmé que « l’abaissement des règles morales est une constante d’une société décadente, et je crois que la pédophilie, qui a trouvé ses lettres de noblesse… interdites, mais tout de même, dans l’exaltation de l’homosexualité, met en cause toutes les professions qui approchent l’enfance et la jeunesse ».

Le 21 décembre 2016, interrogé par des journalistes du Figaro sur la représentation des homosexuels au sein du Front national, Jean-Marie Le Pen a déclaré que « les homosexuels c’est comme le sel dans la soupe, si y’en a pas assez c’est un peu fade, si y’en a trop c’est imbuvable ».

Le 23 décembre 2016, Mousse a porté plainte aujourd’hui contre Jean-Marie Le Pen pour incitation à la haine à raison de l’orientation sexuelle. Suite à cette plainte, le parquet a poursuivi les propos signalés pour injure à raison de l’orientation sexuelle et incitation à la haine à raison de l’orientation sexuelle.

Les précédents

Dans l’affaire Pierre Berger contre Alain Soral, Alain Soral avait écrit : « Je suis étonné que tu ne comprennes pas mon lien entre homosexualité et pédophilie. Tu devrais en parler à Pierre Bergé ». Par jugement du 12 juin 2015, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné Alain Soral pour diffamation.

Dans l’affaire Louis X, Conseiller municipal Front national du Mans, Louis X avait dit: « Maintenant, ce n’est plus LGBT, vous avez ajouté donc lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, intersexuels, queers and friendly. I don’t understand you. Vous avez oublié certainement la zoophilie. Vous avez oublié la zoophilie, c’est ça qui me gêne. » Par arrêt du 25 novembre 2017, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Louis X pour injure dans les termes suivants : « Par les propos incriminés, le prévenu a sciemment mis sur le même plan l’homosexualité, qui est une orientation sexuelle, et la zoophilie, qui constitue pour la psychiatrie un trouble de l’objet sexuel, par ailleurs susceptible de caractériser le délit de sévices sexuels envers un animal, et qu’un tel rapprochement contenait l’expression d’un mépris envers les personnes homosexuelles, constitutive d’un outrage et, comme telle, injurieuse ».

Dans l’affaire Joëlle A., éducateur sportif, ce dernier reprochait à une conseillère de Pôle Emploi d’avoir dit : « Cet éducateur ne devrait pas travailler avec les enfants, car elle ne le sentait pas clair dans sa sexualité ». Par arrêt du 25 novembre 2014, la Cour de cassation a confirmé la condamnation pour injure contre la conseillère de Pôle emploi.

Les enjeux du procès

Ce procès soulève deux questions susceptibles de faire l’objet d’une « jurisprudence » sur les questions juridiques LGBT. Nous reproduisons ci-dessus des extraits des conclusions rédigées par Me Etienne Deshoulières.

Peut-on condamner des propos visant l’homosexualité ?

La première question tient au fait de savoir si des propos condamnant l’homosexualité visent les personnes homosexuelles elles-mêmes ou seulement un comportement librement critiquable. L’enjeu est de taille, car dans le second cas les propos ne sont pas condamnables. Il s’agit donc d’un argument constamment invoqué en défense dans les procès pour homophobie, en aussi bien en France qu’à l’étranger.

De jurisprudence constante, dans les affaires où des critiques sont formulées contre des doctrines religieuses, la jurisprudence considère que les propos ne visent pas les personnes adeptes de la religion, mais les doctrines elles-mêmes. Dans ces affaires, ce sont les théories religieuses qui font l’objet de critiques, non pas les comportements des croyants inhérents à la pratique d’une religion. Cette position permet notamment aux religieux eux-mêmes de discuter et de critiquer librement leurs propres théories religieuses.

Il en va de même pour la critique des théories sociologiques, telles que les théories féministes constructivistes, souvent désignées comme les « théories du genre ». Dans une démocratie libérale comme la France, de telles théories doivent pouvoir faire l’objet d’un libre débat et de libres critiques, quand bien même ces critiques seraient défendues par les associations de défense des droits des homosexuels. Une critique à l’encontre des « théories du genre » ne constitue pas une critique à l’encontre des homosexuels eux-mêmes.

A l’inverse, lorsque les critiques visent non pas une doctrine, mais un comportement constitutif d’un groupe, les critiques doivent être considérées comme visant le groupe lui-même. Ainsi, à propos de critiques de comportements inhérents à une communauté religieuse, la jurisprudence considère que la critique vise le groupe de personnes à raison de sa religion. Ainsi, dans une affaire imputant des comportements racistes aux chrétiens d’Europe de l’Est, la Cour de cassation a considéré que les communautés chrétiennes des pays de l’Est étaient visées à raison du « comportement prêté à leurs membres ». De même, dans l’affaire Brigitte Bardot, la critique des personnes pratiquant Aïd-el-Kébir a été condamné comme constituant une critique à raison de l’appartenance à la religion musulmane. De même, lorsque les critiques ne visent non pas une théorie sociologique, telle que les « théories du genre », mais un comportement sexuel inhérent à une orientation sexuelle, on doit considérer que la critique vise le groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle.

La seule manière de critiquer des personnes à raison de leur orientation sexuelle, c’est de critiquer leur homosexualité entendue comme un comportement sexuel objectif. Il n’y a de critiquable chez les homosexuels que leur homosexualité. Leur comportement sexuel est la seule chose qui les distingue des autres groupes de personnes et qui les expose, ce faisant, à une condamnation morale. La liberté de vivre son orientation sexuelle ne relève pas de la liberté de conscience. Dans un Etat démocratique, la liberté des homosexuels de vivre leur homosexualité consiste avant tout à pouvoir adopter des comportements homosexuels. Critiquer l’homosexualité, c’est critiquer la liberté fondamentale dont jouissent les homosexuels dans les Etats démocratiques.

L’assimilation entre orientation sexuelle et comportement sexuel a d’ailleurs été clairement exprimée par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Boutin, par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire du don du sang et par la Cour suprême du Canada dans une affaire concernant la suspension d’une publication condamnant moralement l’homosexualité.

Peut-on condamner des propos appelant à la haine de soi ?

Cette seconde question concerne le point de savoir si l’appel à la haine est également condamnable lorsqu’il constitue un appel à la haine de soi. Cette question est cruciale dans une optique LGBT, car le taux de suicide est 7 fois plus élevé chez les jeunes LGBT.

La question de l’appel à la haine se pose de manière particulière lorsqu’il est prononcé à raison de l’orientation sexuelle. Les propos de Jean-Marie Le Pen font en effet naître chez les homosexuels eux-mêmes une haine intime contre la composante essentielle de la personnalité que constitue leur orientation sexuelle. Cette haine distillée par les propos de Jean-Marie Le Pen touche de nombreux homosexuels qui doivent vivre au quotidien avec la haine de soi.

A cet égard, une étude menée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) démontre que les discours homophobes ont une influence directe sur la santé mentale des homosexuels eux-mêmes. Selon cette enquête « les valeurs et manifestations hétérosexistes et homophobes présentes dans la société et ses institutions exposent les minorités sexuelles à une pression qui pourrait expliquer l’apparition de problèmes de santé physique et mentale chez une plus grande proportion de cette population ».

Les homosexuels qui adhèrent aux idées politiques de Jean-Marie Le Pen sont les premières victimes de cette homophobie intériorisée. Ils vivent dans ce que les sociologues appellent la « dissonance cognitive », c’est-à-dire la tension entre un système de valeurs auquel ils adhèrent et des pratiques vécues comme contradictoires avec ce système. Pour tous ces homosexuels, les propos de Jean-Marie Le Pen sont un appel à la haine d’eux-mêmes, au rejet de leur orientation sexuelle.

Cette haine de soi est également dénoncée dans un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme de juin 2014, qui a mis en évidence la vulnérabilité particulière des jeunes LGBT, en soulignant les importants risques de suicide.

Contact presse :

Etienne Deshoulières – Avocat au barreau de Paris

Tél. : 0177628203 – www.deshoulieres-avocats.com 

cabinet@deshoulieres-avocats.com