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Transidentité : le Conseil d’Etat simplifie le changement d’état civil

Communiqué de presse. Paris, 29 janvier 2025.

Le Conseil d’État a rendu, ce lundi 27 janvier 2025, une décision clef concernant le changement de mention de prénom et de genre à l’état civil. La Haute juridiction avait été saisie par plusieurs associations et requérants dénonçant le caractère attentatoire à la vie privée et discriminatoire de procédures issus d’une loi de 2016. Bien que le Conseil d’Etat ait formellement rejeté les demandes des requérants, les interprétations qu’il donne des textes tracent les contours d’un nouveau cadre juridique, plus inclusif pour les personnes transgenres, intersexes et non binaires.

2016 : fin de l’obligation de stérilisation

Jusqu’en 2016, les modifications de la mention du sexe et du prénom à l’état civil étaient soumises à des conditions strictes. Une personne souhaitant rectifier la mention de son sexe dans son acte de naissance devait notamment établir « la réalité du syndrome transsexuel […] ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence« . Dans les faits, cette exigence impliquait une stérilisation des personnes pour obtenir un changement de la mention de genre à l’état civil.

La loi du 18 novembre 2016 avait pour objectif de simplifier les procédure de changement de prénom et de la mention sexe à l’état civil. Elle prévoyait en outre la démédicalisation de la procédure de changement de sexe. Pour accompagner ces changements, le Ministère de la Justice a diffusé deux circulaires le 17 février 2017 et le 10 mai 2017, précisant les procédure pour le changement de prénom et de mention sexe à l’état civil.

En décembre 2023, sept associations et sept particuliers ont saisi le Conseil d’État pour demander l’abrogation des circulaires de 2017, dénonçant des atteintes à la vie privée et des discriminations subies par les personnes sollicitant les changements d’état civil. La Défenseure des droits s’est associée à la procédure, pointant également un manque de clarté de ces textes, des risques de discriminations et des atteintes au droit à la vie privée.

2025 : la fin de l’obligation de passing ?

Dans sa décision, le Conseil d’État a jugé que les circulaires n’imposaient pas d’atteintes excessives au respect de la vie privée et n’engendraient pas de discrimination. Les juges ont mis en avant la nécessité de préserver la fiabilité et la cohérence de l’état civil, ainsi que la sécurité juridique. Les demandes des personnes physiques et des associations ont donc été formellement rejetées.

La décision du Conseil d’Etat ouvre cependant la voie à une procédure de changement de prénom et de genre plus inclusive pour les personnes transgenres, intersexes et non binaires. L’une des principales critiques de la loi de 2016 et des circulaires de 2017 résidait en effet dans le fait que ces textes avait remplacé l’obligation de stérilisation par une obligation de passing. A plusieurs reprises, les tribunaux avaient en effet refusé un changement de la mention de genre à une femme transgenre au motif qu’elle avait encore des poils de barbe.

Face à ces reproches, le Conseil d’Etat a affirmé que « l’apparence de la personne […] ne jouent aucun rôle prépondérant dans la mise en œuvre des différents critères d’appréciation » et qu’ « il ne résulte pas de ces dispositions, concernant les personnes qui demandent le changement à raison de leur identité de genre, que des critères tenant à leur seule apparence devraient prévaloir ». Le Conseil d’Etat condamne ainsi implicitement les tribunaux refusant le changement de la mention de genre à l’état civil en raison de l’apparence physique de la personne. La décision du Conseil d’Etat annonce donc la fin de l’obligation de passing pour modifier la mention de genre à l’état civil. Cette décision pourra être utilement cités par les personnes transgenres dans le cadre de procédure de changement de genre.

Un changement de paradigme en matière d’état civil

Le Conseil d’Etat va plus loin dans son interprétation des textes en affirmant qu’ « il ne résulte pas plus de ces dispositions que les personnes dites « intersexes » et « non-binaires » ne pourraient pas procéder à un changement de prénom. » Les juges considèrent ainsi implicitement que la situation de fait résultant de l’intersexuation (fait biologique) ou de la non-binarité (fait subjectif) constitue un intérêt légitime au sens de la loi de 2016 justifiant de la possibilité de changer de prénom à l’état civil. Le même argument pourrait parfaitement justifier la suppression de la mention de sexe à l’état civil pour les personnes intersexes et non-binaires. Rappelons que le Conseil d’Etat avait déjà fait un pas en direction de la reconnaissance des droits des personnes non binaires et intersexes dans un arrêt du 21 juin 2023 dans lequel il reconnaissait que ces personnes se trouvaient dans une « situation particulière » face à l’obligation de déclarer une identité de genre binaire.

Pour Etienne Deshoulières, avocat des requérants, « nous assistons à un changement de paradigme en matière d’état civil. En reconnaissant des droits aux personnes non binaires et intersexes, le Conseil d’Etat enterre le principe juridique de binarité des genres, ancré dans notre droit depuis l’entrée en vigueur du code civile en 1804. »

Mousse prévoit d’ores et déjà d’engager une procédure visant à la suppression des marqueurs de genre à l’état civil, qui sera engagée dès que la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son arrêt dans l’affaire Deldits, dans laquelle le changement de la mention de genre sur un registre public a été demandé sur le fondement du droit des données personnelles.

Mousse étudie également la possibilité d’un recours contre la décision du Conseil d’Etat du 27 janvier 2025 devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a rappelé à plusieurs reprises l’importance du principe d’autodétermination. Ce standard est déjà adopté par plusieurs pays européens, comme l’Espagne et le Danemark, qui permettent de modifier la mention de genre à l’état civil sur simple déclaration.

CONTACT PRESSE :

Étienne Deshoulières, avocat au barreau de Paris

www.deshoulieres-avocats.com  – +33177628203

contact@deshoulieres-avocats.com